[RP]Auberge " Au cheval de trois "

Elle n'écoutait que d'une oreille. On lui avait toujours dit de ne pas se mêler des conversations ne la concernant pas. C'est ce qu'elle ferait aujourd'hui. Il s'agissait d'un homme. Un léger sourire naquit sur les lèvres de l'adolescente. Lollia aurait-elle craqué pour les beaux yeux de cet inconnu qui n'avait de mots et d'yeux que pour elle ?

Elle voyait de là le tableau. Dans un premier temps il y aurait un peu de drague avant un mariage, puis une ribambelle d'enfant. Un éloignement peut être de la part de la femme... Ca serait normal après tout. Elle même devrait partir un jour.

Secouant doucement la tête pour se sortir de ses pensées, elle replongea la tête dans le bol face à elle, un soupire de désespoir s'échappant. Elle devait manger tout ce qui se trouvait devant elle, mais n'avait pas faim. Elle pourrait bien essayer de tricher, mais pour cela il faudrait que les deux femmes quittent la pièce et la laisse seule quelques minutes, voir même quelques secondes.

En même temps, elles paraissaient toutes deux très intéressées dans ce qu'elles se disaient... Se levant sans un bruit de sa chaise, elle commence à vouloir se diriger vers la porte. A croire qu'elles avaient décidé de ne pas la lacher...

Une petite minute jeune fille, tu comptais pas te lever sans avoir manger j'espère ?

Un petit sourire taquin flottait sur les lèvres de la rousse alors que Lollia se tournait vers elle. Flûte... démasqué...

Nan... nan nan, je... l'clients sont seuls à c'té et j'm'disais qu'f'drait p't'être... 'fin, comme zêtes 'cpées à parler tles deux, je... 'fin... Vais m'cuper d'clients.

tu n'échapperas pas au petit déjeuner, et tu sortiras pas de table tant que tu auras pas terminée !

mais... mais... l'clients qu'sont seuls et v'parler 'tre vous. J'mang'ra pu tard

Trista... les clients déjeunent. Tu nous fais le coup à chaque fois alors cette fois, tu bouges pas

Bougonnant, elle se remis à table. Pourtant, son excuse tenait la route... Tirant la langue discrètement aux deux femmes, elle replongea la tête dans son bol de lait, priant pour que la torture prenne vite fin. Un coup de croc négligeamment dans sa tartine. Pas si mauvais que ça 'fin de compte...

La dernière bouchée était enfournée. Cela n’avait pas été si facile que ça de devoir avaler ces deux tartines, surtout qu’elle n’avait pas l’habitude de manger autant. Mais bon sang que c’était bon d’avoir l’estomac plein ! C’est donc avec un petit sourire en coin qu’elle s’adossa au dossier de sa chaise, appréciant ce doux moment après le repas, les yeux mi-clos. Sûre que c’était un véritable luxe et que ça lui serait difficile de retourner à la vie qu’elle menait il y avait peu encore. Mais après tout, pourquoi n’en profiterait elle pas un minimum, avant que tout cela ne cesse… ?

Son regard semble s’illuminer alors qu’elle se lève tranquillement de sa chaise. Oula… L’impression d’avoir pris 10 kg d’un coup… Ma foi, ça ne peut lui faire de mal, vu la maigreur dont elle fait preuve.

Et bien tu vois jeune fille, ça n’était pas si difficile que ça.

Un regard attendrissant se glisse vers elle alors que la gamine s’apprêtait à quitter la pièce. Tirer discrètement la langue avant de partir en riant légèrement, appréciant ces agréables moments d’insouciances s’offrant à elle. Si seulement cela ne pouvait jamais terminer, les cauchemars la quitter, les remords ne plus exister…

Pénétrant dans le salon, elle voit au loin une jeune fille attablée. Seule, elle savourait tranquillement son repas. Et si elle faisait un effort et allait la voir ? Se montrer accueillante pour les remercier de lui offrir une chance malgré ses erreurs et malgré ce qu’elle avait fait la veille… Leur prouver qu’elle pouvait être autre chose qu’une voleuse et qui sait… Garder espoir qu’elles ne la vireront pas…

Un petit toussotement discret pour annoncer son arrivée. Garder son sourire enfantin alors qu’elle tente d’articuler en parlant pour se faire comprendre le mieux possible de l’inconnue. Pas tout ça, mais fallait bien se faire voir des clients si on voulait pouvoir établir un semblant de communication.

B’jour M’dame. S’vous v’lez que’que chose, ‘sitez pas à d’mander, on est là pou’ça. Et euh… J’peux v’z’apportez aut’chose ? Euh… Zavez b’soin d’quoi ?

Mouais… Pas trop mal. Même pas mal du tout. A ce rythme elle pourrait bientôt tenir de longues conversations ! Ouais bon okay, n’exagérons pas. Mais quand même, c’est qu’elle a fait des progrès. Comme quoi, il suffit de vouloir pour y arriver. Et c’est qu’elle est motivée Tristana.

Coule, coule, le temps s'écoule... Douces volûtes parfumées de matins qui roucoulent... Avant le bourdonnement de roues dans les boues...


Le petit matin se lève doucement, derniers lambeaux d'une chaleur de plus en plus faiblarde qui tente de s'accrocher aux derniers rayons lumineux qui naissent. Elle qui aimait tant voir le soleil se lever, l'hiver qui s'annonce la comble en retardant le lever de l'astre. Elle chantonne faiblement en finissant de se préparer, se remémorant une fois de plus les derniers temps passés, les yeux perdus dans le rose pastel du ciel.

Au lendemain du vol de Tristana, quand le calme était tombé sur la ville, les trois tenancières se sont retrouvées devant une cheminée ronflante, un bol bien chaud entre les mains. Elles n'avaient pas voulu savoir pourquoi la jeunette avait fait cette bêtise, il fallait juste lui faire passer l'envie de recommencer et donc, lui donner les clés pour tourner la page.
Lollia plaida pour une éducation classique de jeune fille: expression, vocabulaire, lecture de poésies, un peu d'arithmétique, leçons de maintien, de chant ainsi que de couture, de tricot, de cuisine; en gros, essayer d'en faire une ménagère cultivée et parfaite prête pour le sacrement du mariage.
Les yeux horrifiés devant la description plutôt exhaustive de ce que Lollia comptait lui enseigner se levèrent vers Myrrha pour appeler à l'aide; Myrrha qui s'empressa de rebondir en tempérant les élans de l'Orientale en prenant en main les leçons d'escrime, d'équitation et autres joyeusetés plus offensives qu'elle estimait nécessaire.

Et dès le lendemain, même pendant la tenue de l'auberge, les travaux divers de leur refuge, Lollia se mit en tête de prendre en main Tristana, la reprenant gentiment pour la faire articuler, glissant une référence dès que possible, resservant toute son éducation sans hésitation pour la faire progresser. S'occuper d'elle, l'entourer, l'aimer, la protéger, la chérir, lui montrer combien Tristana est importante dans sa vie, dans leurs vies et lui montrer, du moins l'espère-t-elle, ce que l'amitié peut apporter.

Quant à elle-même, elle ne pouvait s'empêcher de penser à l'inconnu qui logeait chez elles et de chercher sa compagnie dès qu'elle était seule. Enfin l'inconnu... Il ne l'était plus vraiment, il lui avait confié son nom, comme un présent qu'elle avait reçu avec respect. Yvan. Maman lui avait toujours dit que donner son nom est confié une partie de sa vie et de sa personne, donner sa confiance et son amitié et qu'il fallait se montrer à la hauteur de ce présent.
Les discussions étaient souvent à bâtons rompus et, en y réfléchissant, tournaient toujours vers son propre passé. Il répugnait clairement à parler de lui, de ses expériences, de son "travail" mais semblait captivé quand elle évoquait l'Orient qui l'avait vu naître. Evocation toujours très courte, Myrrha ou Tristana apparaissant comme par hasard dès qu'ils abordaient leurs vies...


Un sourire flottait sur ses lèvres alors que les souvenirs récents se mêlaient au parfum qu'elle répandait sur son châle; les progrès de Tristana la rendaient très fière alors qu'elle attachait sa chaîne de petits grelots à sa cheville; une joie pleine de chaleur en voyant la complicité qui est sienne avec Myrrha alors qu'elle noue la dernière ceinture de sa robe autour de sa taille.

Maman, t'inquiète pas... Ta fille est heureuse et entre de bonnes mains...

Alors qu'elle allait refermer la porte de sa chambre, son regard s'attarde sur une malle qu'elle n'a pas ouverte depuis... Depuis... Un noeud s'écoule lentement dans sa gorge mais perdant en douleur peu à peu. Oui, ce soir, elle pourra l'ouvrir... Elle pourra retrouver ses senteurs et cette paix qui la hantent parfois la nuit, pour lui rappeler un manque qu'elle doit transformer pour être plus forte. Ce soir, promis...


Myrrha...? Petit tintement léger... Trista...? Petites clochettes légères de sa cheville qui s'élèvent dans l'escalier... Finissant la chanson qui trainait sur ses lèvres, l'odeur délicate de la cuisine l'attire sans peine. Bonjour les plus belles, déjà levées alors qu'il fait à peine jour?

A peine le temps pour les trois amies de s’installer dans leur auberge. Quelques semaines avant de complètement s’intégrer. Effleurer de la main et des yeux la pièce. Sourire nostalgique en pensant à sa nomination de châtelaine. Souffle de fierté lorsque sa pupille avait reçu un vélin officiel. Souvenir fugace mais bien réel. Combien de longue soirée à étudier, deviser, rire près de la cheminée. Qui aurait pu croire que l’indomptable trouverait un foyer ? Sa mère et ses tantes avaient désespéré de voir un jour Myrrha en fille. Les robes sur sa peau se déchiraient à peine les entrainements commencés. Froide fierté d’un père guerrier qui malgré son envie d’avoir engeance male avait su se retrouver dans cette gamine téméraire. Voile de tristesse en passant à se passé. Que son père lui manquait. Ses conseils avisés. Aurait-il au moins été fier de savoir qu’elle avait abandonnée titre, château et famille pour s’enrôler dans l’armée ? Où au contraire, de la où il était désapprouvait-il son comportement ? Enroulant les bras près de son cœur, elle souhaitait ardemment qu’il eut préféré la voir manier l’épée sur un champ de bataille que partager la couche d’un bedonnant. Pourquoi penser à lui ? Cela fait si longtemps à présent…

Père… perle de rosé sur le coin de l’œil.

La rousse d’un revers de la manche essuya les rares épanchements sur sa joue. Se força à sourire avant d’appeler ses amies. Il fallait surtout le cacher à l’orientale. Il n’y avait pas de secret entre elles mais à chaque fois que l’une commençait à parler du passé, de leur famille, des ruisseaux se formaient. Certains diraient que les femmes sont promptes à ce conditionnement, pourtant, hélas, si cela pouvait être aussi simple.

Aujourd’hui, il fallait reléguer le passé à sa place. Construire leur avenir, se fabriquer de nouveaux souvenirs et vivre pleinement. Tristana se transformait en une magnifique adolescente, bientôt, elle deviendrait femme et quelle femme. Elle apprenait vite, était curieuse de tout. En étant bailli, elle comprendrait ce qu’est la justice. Etrangement, l’indomptable trouvait que ce poste était fait pour elle. Passer de l’autre côté du miroir. Apprendre encore et toujours plus. Elle avait le sentiment, qu’ainsi épauler, la petite irait loin.

Il ne fallait pas non plus Lollia… Jeune femme à la peau nacrée par le soleil, douce innocence passé par l’enfer. Peut-être était-ce un tort de vouloir jouer les matriarches avec elle, mais comment s’en empêcher lorsqu’à peine l’uniforme aperçu ses membres se mettent à trembler ? L’indomptable se comportait avec elle, comme ses tantes jadis. Il lui faudrait surement un jour affronter ses peurs mais Myrrha resterait dans son sillage pour la rattraper quoiqu’il arrive.

Un bruit de pas lui fait comprendre que le livreur de lait est à sa porte. Bientôt, elle le fera entrer mais pas avant d’avoir pris un peu de monnaie. La journée commence, après le lait, le pain, la ronde des commerçants devant leur porte. Les laisser pénétrer dans la cuisine, deviser sur le temps qu’il fait, sur les récoltes déjà amassées etc. Tout était prétexte à la discussion. Mais le secret, résidait dans la tisane que préparait l’orientale. Savoureux mélange d’herbes et d’épices. Chacun le matin préférait venir à l’auberge y gouter, plutôt que de laisser les femmes se rendre sur le marché. Se retrouvait à nouveau seule. Préparer le petit déjeuner des occupants. Une nouvelle à annoncer… Attendre de les voir descendre.

Encore un matin où un léger sourire fugace traîne sur ses lèvres alors qu'elle s'étire sous la couette.
Encore un matin où malgré le froid de plus en plus mordant qui se glissait au profit de la nuit dans l'auberge, une chaleur ne la quittait plus, qu'elle croyait avoir oublié.
Le décompte des jours avait cessé depuis longtemps, quel intérêt de contempler le temps s'écouler quand le goût de cendres était de plus en plus lointain sur son palais, de plus en plus faible dans son esprit et que son coeur portait à nouveau cette joie qu'elle avait Là-bas? Non, ici. Ici et maintenant.

Si elle avait été plus expansive, elle aurait descendu les escaliers quatre à quatre, les grelots entamant une musique frénétique. Alors, ses pas font craquer doucement les marches de l'escalier, soulignés par un tintement léger, les pièces de métal frappant ses chevilles dans un rythme rassurant qu'elle pourrait presque chanter.

Bonjour belle Myrrha, j'arrive assez tôt pour le petit-déjeuner des livreurs?

Sa main effleure le bras de son amie, leur salutation sobre du matin, bien plus porteuse d'affection que toutes les effusions bruyantes qu'elles pouvaient voir autour d'elle. Finalement, avaient-elles convenu dans un rire, seule Trista subissait les assauts réguliers de leurs bises, calins et autres gestes affectueux.

Le parfum de sa tisane se répand bientôt dans la pièce, bientôt souligné par la cannelle qu'elle ajoutait toujours en dernier pour faire saliver les papilles, alors que les premiers gamins se pressaient autour de la porte, en une nuée bruyante qui annonçaient l'arrivée des plus âgés.
Tout ce petit monde installé avec aisance et rapidité, servi avec grâce et sourire, la chaleur avalée aussi rapidement que les dernières nouvelles du village échangées, les paquets vite rangés, la pièce à nouveau vide résonnait encore des rires des plus jeunes qui devaient déjà travailler pour aider leurs parents à vivre.

Myrrha... Tu sembles bien rêveuse ce matin.

Non non, ne demandez pas comment elle peut poser telle question après avoir la tenancière régenter cette invasion d'une main de maître à la répartie fulgurante.

Trista ne devrait pas tarder... Je dois savoir quelque chose...?

Un fin nuage passe devant les prunelles noires de l'Orientale, qu'elle essaie de chasser avant que la Rousse ne le voit. Non non, tout allait bien... Tout allait bien...

Euh... J'ai une annonce à vous faire et je préfère qu'on soit toutes les trois pour en discuter. Sa voix était calme et posée, plutôt rassurante. Pourtant, le doute subsistait...

Une annonce? Et c'est.... grave...?

Un léger sourire étire ses lèvres. Que doit-elle comprendre? Bien sur que non Lollia. Serai-je détendue si c'etait le cas ?

Non non certes... Mais... Tu me connais Essayer de rire pour tenter de cacher son inquiétude, tenter de feindre la comédie. Ainsi que ma curiosité, on doit vraiment attendre Trista?

Son indomptable amie s'asseoit avant de prendre une tasse du déliceux breuvage encore fûmant, maintenu au chaud par un petit réchaud cachant une bougie. Oui je veux que nous soyons toutes les trois.

Que dire de plus? Myrrha ne parlerait pas, maintenant qu'elle avait son idée en tête. *Calme toi Lollia, tu es pitoyable de ne pas savoir maîtriser tes nerfs ainsi* Une autre tisane se verse avant que le bruit d'une chaise ne trahisse son installation aux côtés de son amie. Petites confidences entre amies avant d'en savoir plus, dès que la troisième larron sera levée.

Saladin était resté sur le pas de la porte, subjugé par ce qui venait de se passer ... La demoiselle à qui il avait gentillement proposé de rentrer au lieu de rester dans le froid avait eu peur de lui ! Ressemblait-il à un bandit ? Pour un sénéchal qui les combat justement, c'était le comble ! Charles de Salignac un bandit !

Mais ce n'était pas tout, habillé dans ses habits d'hiver, il n'avait pas été reconnu par son frère qui l'avait complétement ignoré !

Rentrant dans l'auberge, il ne prit même pas le temps de regarder autour de lui et alla s'assoir à une table tout seul et commanda une chopine.